One Night Stand, ça a failli le faire
L’été 1982 va être un bel été pour Xavier. Sur un incroyable coup de chance, lui le littéraire, vient d’obtenir le BAC F3 éléctro-technique, un domaine totalement ésotérique pour lui rempli de termes abscons. Parallèlement, et après seulement 3 heures de conduite, il a eu son permis du premier coup. Cerise sur le gâteau, il s’est vu confier par la mairie, l’exploitation du snack de la piscine de Figeac. Pour l’aider, il recrute une copine de lycée, Nathalie Vaylet. Son meilleur copain, Pierre Lys dit Petit Pierre, lui donne un coup de main dès qu’il sort de son travail et le week end. Les journées sont déjà chaudes, et il n’est pas rare à l’heure de l’apéro, de retrouver une bonne partie du conseil municipal venu s’encanailler alors que le snack ne dispose pas de la licence IV. Mais ce n’est rien en regard des nuits qui elles, sont brulantes. Lors de l’une des innombrables soirées inoubliables où tout le Figeac branché se retrouve, les deux amis font de nombreuses connaissances, et parmi elles, beaucoup de musiciens dont les guitaristes Patrick Maruéjoul, Patrick Mouysset, Gilles Bravo et un chanteur, Clive, sujet de sa gracieuse majesté, venu se mettre au vert après quelques histoires de trafic de cocaïne avec la fille de l’ambassadeur de Colombie à Londres. Cela lui a valu d’être hébergé gratos aux frais de la reine Elisabeth dans les sordides geôles d’une prison londonienne durant quelques temps ; temps qu’il a mis à profit pour écrire de nombreux morceaux de très bonne facture. Clive chante formidablement bien, et bien sur, n’a pas l’accent des froggy’s. Il cherche des musiciens pour monter un groupe dont le nom est déjà trouvé : One night stand.
Banco, le groupe est formé avec les deux Patrick aux guitares, Petit Pierre à la basse, Xavier à la batterie et Yves Ricou, l’ex chanteur d’Ardota qui depuis s’est mis au saxo. Gilles Bravo viendra faire quelques piges épisodiques. Le groupe se taille vite une réputation dans le landernau musical régional grâce d’une part à la qualité des compositions de Clive et d’autre part à la virtuosité des musiciens. Patrick Maruéjoul a la réputation d’être le meilleur guitariste du coin ; grand fan des Rolling Stones son jeu s’inspire de celui de Keith Richards. Petit Pierre qui s’est mis à la basse il y a seulement quelques mois, montre des dispositions musicales exceptionnelles avec un énorme talent ; il est déjà un excellent bassiste, fou de funk et grand fan de James Brown. C’est un véritable plaisir pour Xavier le batteur de jouer avec un tel bassiste, qui en plus est son meilleur ami. Yves n’a pas de dons particuliers pour la musique, mais par contre c’est un bosseur acharné et est devenu un bon saxophoniste. Patrick Mouysset à la seconde guitare est lui aussi un grand fan des Stones et son jeu se complète à merveille avec celui du lead. Et puis il y a Clive, il est à la fois le leader du groupe et le leader sur scène, un vrai showman.
Le groupe répète dans un endroit un peu particulier : dans le garage de Georges Vitello, à La Cassagnole, à quelques kilomètres de Figeac. Georges est un ancien de la French Connection et a purgé une longue peine pour trafic de blanche. Interdit de territoire sur toute la région PACA, il est assigné à résidence dans le Lot. C’est aussi un gros consommateur de Palfium, un puissant opioïde médical, qu’il se fait prescrire par une ribambelle de médecins. Il en distribue généreusement à tout le groupe qui n’en demande pas tant. Tout le groupe se défonce allègrement et sans modération avec tout ce qui peut défoncer. Mais les répétitions restent malgré tout assez sérieuses et le groupe progresse, chacune de ses prestations scéniques étant saluées de succès.
Fin 1982, Clive, qui n’a ni attache ni boulot, lance l’idée scabreuse de partir à Londres pour percer. Il prétend connaître des journalistes à la BBC et au New Musical Express, et se targue d’avoir ses entrées dans la jet set londonienne. Les guitaristes et Yves sont au chômage ou brandouillent à droite et à gauche et pour eux la décision est vite prise, c’est oui. Petit Pierre qui s’échine dans un garage d’électricité auto pour un maigre salaire, hésite un temps puis rejoint les quatre autres. Xavier, juste majeur et plus jeune de la bande, vit encore chez ses parents et vient d’intégrer un BTS technico-commercial au lycée Rascol à Albi. L’envie ne lui manque pas, mais la pression familiale est forte, en particulier celle de son patriarche pour qui le deal est simple “Si tu abandonnes tes études, pas la peine de revenir à la maison demander à bouffer.” C’est dit ! La mort dans l’âme, Xavier doit abandonner ses copains. Il est remplacé par François Genot, un copain des deux Patricks. Il assiste impuissant aux préparatifs pour ce qui s’apparente au sentier de la gloire. Afin de réunir un pécule permettant de payer le voyage et de tenir le minimum de temps avant que la célébrité n’arrive et que les montagnes de livres sterling ne tombent, ils vident comptes épargne et autres livrets, tapent les membres de leurs familles et vendent tout ce qu’ils peuvent : voitures, meubles, collections de disques,…etc Après les fêtes, début 1983, c’est le grand départ. Deux mois plus tard, ce sera le retour, beaucoup moins glorieux et sans Clive qui a préféré rester sur les terres de la perfide Albion. De Londres, ils n’auront vu que des squats miteux et des dealers peu scrupuleux. Une fois leur argent dépensé, ils ont du se résoudre à faire demi-tour. Complètement fauchés, sans job, plus ou moins accro, la magie créatrice laissera place à l’impérieuse nécessité de remplir le frigo. C’en est fini de One Night Stand, chacun partira de son coté vers des cieux plus porteurs.