Peck Blues Band, l’histoire improbable qui marquera à jamais l’histoire du rock à Figeac
Automne 1991. Les branchés figeacois se retrouvent à l’époque au Chapeau Claque, le nouveau bar que vient d’ouvrir Thierry Plana, boulevard Juskiewenki, dans l’ancien local d’un électricien auto. Xavier Reiniche est un fidèle client, et il croise souvent les mêmes têtes, et parmi elles, celles de Sylvain Polizzi, Laurent Louis et Frédéric Scherrer. A force de se croiser, ils se disent bonjour, sans plus, chacun restant dans son coin. Un soir enfin, ils finissent par engager la discussion. Les tournées s’enchaînent, l’alcoolémie grimpe en flèche et ils finissent inévitablement par parler musique. Le hasard faisant bien les choses, ils apprécient les mêmes musiciens que sont Steve Ray Vaughan, Robben Ford et BB King entre autres. Au bout de combien d’apéros et qui a lancé l’idée dingos de monter un groupe, personne ne s’en souvient. Ce qui est sur, c’est que chacun s’est engagé, et que maintenant, il n’est pas question de passer pour un dégonflé. Rendez-vous est donc pris chez Sylvain qui occupe une grande maison quercynoise aux Vignes à Cambes pour une première répétition à laquelle est conviée Jean-Marc Arnaud, harmoniciste. Entre les vieux (Sylvain, Jean-Marc et Xavier) un peu rouillés, et les jeunes (Laurent et Fred) qui en sont à leurs débuts, la répétition n’est pas d’une grande virtuosité mais l’ambiance est bonne, ça chambre déjà pas mal, ça rigole et tout le monde aime bien lever le coude. Pour les cinq bonhommes, cela semble une bonne base pour envisager de se revoir et monter quelque chose. Décision est donc prise de renouveler l’expérience.
Reste à trouver un nom à cette équipe de bric et de broc. A l’époque, le film Willow est sorti en cassette VHS et plusieurs membres du groupe en sont fan. Dans le film, il y a la tribu des Pecks. Le nom est tout trouvé, ce sera le PECK BLUES BAND, le début d’une très belle et trop courte histoire. Jean-Marc va vite laisser tomber pour aller faire ses couteaux et sera remplacé par Emmanuel Liska, dit Manole. Le line-up ne changera plus jusqu’à la fin, line-up dans lequel il ne faut pas oublier le sixième homme, Philippe Magraux, dit Philou, dit Groline. Il jouera un rôle primordial, si ce n’est essentiel dans l’histoire des PECK ; Groline, c’est d’abord un homme imperturbable à la placidité légendaire, qui fera souvent le tampon entre les caractères trempés des uns et des autres. C’est aussi et surtout le technicien, le sonorisateur, le chauffeur, le roadie, bref l’homme à tout faire sans qui rien ne se fait. De son passé de réparateur télé, il a gardé de grandes compétences qui seront souvent mises à contribution pour réparer amplis et sonos.
Immédiatement, les cinq zicos se prennent au jeu et sentent qu’il y a un coup à jouer. Ce qui au départ n’était qu’un pari de comptoir lancé par une bande d’assoiffés se transforme en un groupe sérieux qui répète ardemment. Ce qui fera la force des PECK, c’est que c’est d’abord et avant tout une histoire humaine dans laquelle les cinq branleurs trouveront l’énergie et les ressources nécessaires pour aller là où leurs réelles mais maigres capacités musicales n’auraient jamais pu ou du les amener. Mais n’est ce pas ça le rock au fond, une musique dans laquelle l’état d’esprit est plus important que la virtuosité ? Aux répétitions, il n’est pas rare que débarquent les compagnes et les enfants des uns et des autres, pour qu’une fois les instruments posés, tous se retrouvent pour le traditionnel et indispensable apéro, prélude au repas constitué d’une bonne gamelle de pâtes, avant de terminer par le énième visionnage d’une cassette des Inconnus, dont toutes les répliques sont connues par cœur. Les PECK, c’est une grande famille. Les mois passent, les répétitions se suivent. De temps en temps, des copains passent les écouter. Et en ville, la rumeur commence à se répandre “C’est sympa ce qu’ils font les PECK, ça tourne !”
Courant 1992, alors que les cinq zicos travaillent depuis bientôt un an, débarque au cours d’une répétition Philippe Genot, président de l’association Appaloosa qui organise des concerts, organisation dont Sylvain est une des chevilles ouvrières et dans laquelle tous les autres PECK sont bénévoles ; Xavier en deviendra le trésorier l’année suivante. Philippe Genot leur expose alors qu’il vient de signer un concert avec Robben Ford pour le mois de février 1993, et il propose au PECK BLUES BAND d’assurer la première partie. Ils ne se le font pas dire deux fois et acceptent immédiatement sans vraiment se rendre compte du challenge qu’ils ont à relever, surtout pour un premier passage sur scène. Pas impressionnés pour deux ronds, ils vont relever leurs manches et redoubler d’effort, bossant comme des acharnés, multipliant les séances à rallonge jusqu’à se faire saigner les doigts.
Jusqu’à la date fatidique du 19 février 1993. Le concert a lieu salle Balène qui est pleine à craquer, il y aura plus de 700 entrées payantes. Tout le monde veut voir et entendre ce groupe de figeacois dont tout le monde parle. Beaucoup sont sceptiques et se demandent comment ces cinq lascars, plus réputés pour leur art consommé du lever de verre que pour leur pratique instrumentale, vont s’en sortir. En coulisse, les PECK n’en mènent pas large. Certes ils ont bossé comme des dingues, oui lors des dernières, il n’y pas eu de pain. Mais bon, ils ne se sont jamais confronté à la scène et au public. Et puis putain, il faut ouvrir pour Monsieur Robben Ford, un des meilleurs guitaristes du monde, accompagné par deux bestiasses que sont Roscoe Beck à la basse et Tom Brechtlein à la batterie. Mais plus le temps de gamberger c’est l’heure, faut y aller. Un, deux, trois, quatre, c’est parti. Dès les premières notes, le public répond présent et commence à bouger, avant de chavirer de bonheur quelques morceaux plus tard. La partie est gagnée, le PECK BLUES BAND est porté sur les fonds baptismaux. Les morceaux s’enchaînent, tout le monde est au top, l’ambiance de chaude passe à bouillante. Personne ne dit aux PECK de s’arrêter, et surtout pas les gens d’Appaloosa, trop contents de la tournure des événements. L’histoire retiendra que le tourneur de Robben Ford, passant sur le coté de la scène, menacera d’égorgement Manole par gestes explicites, sous prétexte que le temps réservé à la première partie est écoulé. Constatant que ses menaces sont sans effet, il utilisera un moyen beaucoup plus radical en allant à la sono tenue par ce cher Speedos d’AUDIO-LUM, et coupera derechef le son de la façade en plein morceau.
Qu’importe, le PECK BLUES BAND sort vainqueur de cette première épreuve et va rapidement passer la surmultipliée. Tout s’enchaîne très vite par la suite, trop vite sans doute. Le Festival des Quatre Routes, en première partie de Paul Personne qui cartonne à l’époque, le plateau blues-rock monté avec KIL DE BLEU et BATON ROUGE pour les festivals de Saint Clair et Savensa, les nombreux cafés-concerts de toute la région, bondés à chaque fois. L’apothéose arrive en 1994 avec la première partie de LITTLE BOB STORY à Biars sur Cère.
Le PECK BLUES BAND est devenu une machine bien rodée, avec des fans qui le suivent partout. Les six copains commencent à y croire et se prennent à rêver à des lendemains qui chantent. Après tout pourquoi pas eux ? Aller plus loin, tout le monde est d’accord sur ce point. Mais sur la façon d’y aller, les avis divergent. La fracture entre les vieux emplis de sagesse et les jeunes impétueux plein de fougue devient évidente. Sylvain qui vient de se mettre en couple et projette d’avoir des enfants ainsi que Xavier qui dirige une entreprise et déjà père de deux enfants défendent une version raisonnée de l’accélération des choses, ce en quoi il sont soutenus par Groline. Alors que Freddy, Laurent et Manole veulent prendre la route et partir à l’aventure. Le groupe se produira pour la dernière fois en juillet 1994, à la buvette de Frontenac tenue à l’époque par feu Jean-Christophe Héreil. Clap de fin…
Le PECK BLUES BAND a-t-il laissé passer sa chance ? Evidemment, on ne le saura jamais et il serait utopique de vouloir apporter une réponse.
Le PECK BLUES BAND reste à ce jour le groupe de Figeac et de sa région qui a eu la plus belle carrière parmi tous.